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samedi 28 septembre 2019

Les déserteurs du corps des volontaires belges au Mexique


Préambule

Le relevé des effectifs du corps des volontaires belges pour le Mexique renseigne 97 déserteurs, dont 17 militaires comprenant un officier passé dans les rangs républicains. Sur un nombre de 1556 volontaires, ce chiffre m’a paru très excessif. Les diverses études que j’ai consacrées, durant des années, à la campagne du Mexique ont mis en évidence que ces données étaient contestables et ceci pour diverses raisons. Il m’apparaissait dès lors utile d’apporter quelques précisions à ce sujet.

L’engagement belge dans la campagne du Mexique

En 1863, désireux de se désengager de la folle entreprise amorcée deux ans plus tôt, notamment celle de vouloir conquérir le Mexique, Napoléon III offre la couronne de ce pays à l’archiduc Maximilien de Habsbourg, frère de l’empereur François-Joseph d’Autriche. Il est l’époux de Charlotte, la fille du roi Léopold Ier de Belgique. Ce dernier avait très vite émis le voeu que sa fille Charlotte et son gendre Maximilien puissent disposer d’une troupe de soldats belges.Ceux-ce seraient destinés à constituer une garde d’honneur avec seule mission la protection des résidences impériales. Une commission de recrutement fut constituée, tandis que le commandement de ce corps fut confié au lieutenant-colonel Alfred Van der Smissen, un officier au tempérament impétueux. L’engagement des volontaires allait avoir lieu à Oudenaarde. Cependant, dès son début, la formation de ce corps souleva en Belgique une vague de protestations sans précédent et particulièrement de la part de l’opposition catholique, le gouvernement de l’époque étant libéral. Certains orateurs s’en furent jusqu’à Oudenaarde prêcher la désertion en ajoutant qu’aucune loi n’était en mesure de la réprimer. Ces allégations s’avèreront exactes. Par un vote du 2 septembre 1864 à la Chambre, les autorités furent placées dans l’impossibilité de sévir contre les désertions. De ce fait de nombreuses recrues, se fiant à ce qu’on leur avait raconté, disparurent d’Oudenaarde sans être inquiétés. Aussi, sur les 2150 engagements souscrits, seuls 1556 volontaires partiront au Mexique. Parmi ces derniers, certains voyaient dans l’expédition un moyen économique de franchir l’Atlantique pour rejoindre leur famille ou leurs compatriotes aux Etats-Unis. Il s’agissait pour la plupart de volontaires d’origine allemande. La plupart des ouvrages s’accordent que le nombre de désertions s’élevait à une cinquantaine dès les premiers mois passés sur le sol américain. Si la nationalité prépondérante de ces volontaires est exacte, leur nombre ne s’élève qu’à une dizaine dont les noms sont les suivants:

BUCHHOLZ Henri ( Steele-Dusseldorf 1834) déserté en mars 1865
BUCHSER Ferdinand ( Langenberg 1841 ) déserté en mars 1865
FREUDENHAMMER (? ) a déserté à Toluca
HALET Jean ( Schaerbeek 1835 ) déserté en mars 1865
KOHLMANN Theodore ( ? ) déserté en mars 1865
NITHACK Charles déserté en avril 1865
QUADT Jacques ( All ) déserté en mars 1865
REITH Herman ( Pays-Bas 1842 ) déserté en mars 1865
SCHEMBACK Jules ( Aachen 1843 ) déserté en mars 1865
WISSELINCK Gustave ( ? ) déserté en avril 1865

Il est évident que ces faits de désertion n’avaient pas échappé au commandant du corps. Dans une lettre adressée le 3 juin 1865 à la légation belge de Mexico, Van der Smissen souligne:
“ … j’avais dans mon corps l’esprit de désertion”.
Pour enrayer ce risque de contagion qui à présent l’obsédait, le chef avait déjà fait quelques exemples sans trop s’embarrasser des formes légales de la justice. Il avait en outre commandé en personne les pelotons d’exécution. Deux volontaires avaient subi cette sentence:

RICHEBE Romain né à Cuesmes en 1817. Fusillé à Patzcuaro le 12 mai 1865
THYSSEN Jean né à Aix-la-Chapelle en 1827. Fusillé à Undameo le 16 mai 1865.

La campagne du Michoacan - Tacambaro

A Mexico, les Belges furent très vite considérés comme des “planqués” par leurs alliés français et autrichiens. Le lieutenant-colonel Van der Smissen, commandant du corps belge, touché dans son orgueil, jugeait ces critiques inacceptables et offensantes pour la nation qu’il représentait. Aussi allait-il solliciter que sa légion soit employée comme les autres troupes au rétablissement de la paix dans le pays. Si cette décision fut assez bien acceptée par les officiers, la nouvelle fut diversement appréciée par la troupe. La plupart des volontaires avaient gardé un mauvais souvenir de la marche qu’ils avaient dû accomplir de Vera-Cruz à Mexico ville. Mis à part une dizaine d’entre eux, aucun n’avait l’expérience d’une campagne militaire. Au mois de mars 1865, le régiment belge quittait Mexico pour aller renforcer les troupes françaises du 81 ème de la ligne à Morelia. Par l’arrivée des belges, le colonel français Charles de Potier entrevoit l’opportunité d’éliminer la présence républicaine dans l’état du Michoacan. Cette tentative aboutit à un échec. Le 11 avril 1865, quatre compagnies de voltigeurs belges se faisaient surprendre Tacambaro. Après une résistance acharnée de huit heures, les Belges furent contraints à la reddition.
Au Mexique la façon de mener la guerre avait ses traditions. En règle générale l’armée vaincue voit ses officiers emprisonnés soit, plus rarement, fusillés, du moins avant l’empire de Maximilien. La troupe est tout simplement incorporée dans l’armée des vainqueurs. Au soir du 11 avril 1865, le général républicain José Maria Arteaga, commandant en chef de l’armée du Centre fit son entrée à Tacambaro. Arteaga avait aussitôt décidé que les officiers prisonniers seraient fusillés dès le lendemain. Une attitude compréhensible dans la mesure où le gouvernent impérial avait constitué des cours martiales afin de juger les républicains pris les armes à la main et qui, on s’en doute, appliquaient une justice très expéditive.
A ce moment, le général Nicolas Régulès, l’incontestable grand vainqueur de cette journée allait s’opposer avec indignation au dessein d’ Arteaga. Régulès lui fit remarquer que sa parole était engagée lors de la capitulation et qu’il faudrait d’abord le fusiller lui avant de réserver le même sort aux officiers prisonniers. Il était également impossible d’intégrer ces soldats de nationalité étrangère parmi les forces républicaines, ceci selon la tradition évoquée précédemment.Aussi, dans la nuit du 11 au 12 avril 1865, Régulès confia les 203 prisonniers au colonel Trinidad Villagomez, avec mission de les conduire vers la petite ville de Huetamo, sur le rio de Las Balzas, à quelques lieues du Pacifique.
















Les prisonniers de Tacambaro à Cirandaro







Le 16 avril 1865, après une marche très éprouvante, les prisonniers belges parvenaient à Huetamo. Ils ne restèrent cependant que quelques jours dans ce village. Pour éviter toute velléité d’évasion, les républicains jugèrent prudent de les envoyer à Cirandaro, de l’autre côté du rio de Las Balzas.
Les mémoires publiées en 1873 par Charles Coomans dans son ouvrage “ Après Tacambaro, huit mois de captivité ces les Indiens du Mexique” relatent de façon très explicite ce transfert vers Cirandaro:
A notre arrivée au bord du fleuve, la population de Cirandaro accourut en masse sur la rive opposée pour assister à notre traversée qui devait s’effectuer au moyen de canots grossiers et de pirogues d’une architecture navale déplorablement primitive.
Vue de loin, cette population nous parut de plus en plus se rapprocher de l’état où vivaient nos premiers parents avant l’époque où ceux-ci devinrent les tristes héros de cette pénible légende de la Pomme. Les citoyens de Huetamo poussaient la civilisation jusqu’à cultiver l’usage des pantalons, mais leurs estimables collègues de Cirandaro nous semblaient professer le plus profond mépris à l’endroit de ce vêtement spécialement créé pour dissimuler ce que la créature humaine n’a pas de trop réussi dans l’aspect plastique de son individu… Pour tout dire enfin et sans plus de périphrases, les habitants de Cirandaro se montraient à nous de loin, à moitié nus et parfaitement indifférents au qu’en-dira-t’on que leur sans-gêne pouvait provoquer.
Il y avait même plus. Il y avait un de mes camarades qui me poussa discrètement du coude et me signala au loin ( et sans rougir, le misérable) une jeune et robuste indienne entrain de laver du linge dans la rivière et habillée de sa seule chevelure…”

Cet extrait reflète parfaitement la société avec laquelle nos volontaires, la plupart célibataires, allaient être confrontés durant plus de huit mois. La région en outre était magnifique. Dans son ouvrage, Loomans témoigne du bon accueil réservé par la population locale à l’égard des Belges. Très vite des liens amicaux s’étaient établis. Les prisonniers jouissaient de la libre circulation dans le village, favorisant des relations auprès des habitants qui, plus d’une fois, vinrent en aide à leurs infortunés résidents. Ceux-ci connurent, certes, des moments d’angoisse mais certains allaient surtout découvrir une existence sereine qu’ils n’avaient jamais connue auparavant.

Les prisonniers de Morélia à Cirandaro

Le 12 octobre 1865, le général républicain Vicente Riva Palacio, après une habile manoeuvre autour du lac de Patzcuaro, vit l’opportunité de prendre la ville de Morelia. A cette époque, la capitale de l’état du Michoacan était placée sous la protection du corps belge. L’attaque fut repoussée. Parmi les volontaires, trois morts furent relevés, trois autres avaient été grièvement blessés et cinq avaient disparu. Ces derniers qui se trouvaient tous au même poste de garde à la garitta de Chicacuaro avaient été faits prisonniers, mais probablement sans opposer de résistance aux républicains. Ils s’agissait de:

FLACHAT Dominique, né à Lyon en 1839.
GUYOT Jean-Marie, né à Nort ( Loire inférieure) en 1838.
BREUER Léopold, né à Liège en 1845.
VAN HOLLEBEKE Emile, né à Bruges en 1844.
DREUMONT Alcide, né à Hecq (Nord) en 1840.
Ce dernier qui avait été engagé comme sergent à Oudenaarde est sans doute à la base de cette reddition assez conciliante. Gagné aux idées de la république mexicaine, il ne tardera pas à rejoindre l’armée du Centre en tant qu’officier. Selon certains, il serait devenu officier d’ordonnance du général Riva Palacio. Inévitablement, Dreumont aura côtoyé Edouard Devaux, cet officier belge passé dans les rangs républicains dont le parcours sera relaté en fin de cette étude.
Contrairement à ses quatre compagnons Dreumont ne semble pas avoir été envoyé à Cirandaro.
Le même jour de l’attaque sur Morelia, donc le 12 octobre 1865, le général impérialiste Ramon Mendez parvenait à s’emparer des généraux républicains Artéaga et Salazar, de 40 officiers et de 400 de leurs hommes, sur les hauteurs de Santa-Anna Amatlàn. Conduits à Uruapan les deux généraux et trois autres républicains furent exécutés après un jugement sommaire. La nouvelle de ces assassinats parvint très vite à Cirandaro. On comprend l’angoisse qu’allait susciter cette information auprès des prisonniers belges et plus particulièrement les officiers. Les autorités mexicaines ne manquèrent d’ailleurs pas d’évoquer des représailles à leur égard. Le sous-lieutenant Emile Walton rapporte qu’un cavalier républicain lui a proposé de signer une protestation afin d’avoir la vie sauve. Il s’agissait d’un factum adressé à l’empereur Maximilien. Cette protestation avait en fait été rédigée par Léopold Breuer. Datée du 23 octobre 1865, elle vilipendait d’une façon très virulente l’attitude du général Ramon Mendez dans les exécutions perpétuées à Uruapan. Ceci est étonnant de la part de Breuer qui, en fait, devait la vie à Mendez. Ce dernier l’avait sauvé personnellement le 28 juin 1865 au passage d’un rio alors qu’il allait se noyer! Le document était également signé par Guyot, Flachat, Van Hollebeke et la plupart des soldats prisonniers à Cirandaro. Deux autres lettres furent encore rédigées, toujours par le même Breuer, réclamant le rapatriement pur et simple du corps. Là encore les quatre signataires tentèrent d’extorquer l’approbation de leurs compagnons de fortune. Cette fois tous refusèrent et passèrent à la rédaction de deux contre-protestations. Plus tard, après leur libération, les volontaires rédigèrent une justification supplémentaire. Ecrite à Toluca le 21 janvier 1866, elle fut publiée dans le Moniteur belge du 28 mars 1866.


 
 
















La libération des prisonniers


Suite aux négociations rendues possibles, grâce à la bienveillance du général républicain Vicente Riva Palcio, l’échange des prisonniers fut prévu le 5 décembre 1865 à Acuitzeo, village situé à 31 km au sud de Morelia. Les autorités de Cirandaro avaient conseillé à Breuer, Guyot et Flanchat de déguerpir, car leurs camarades s’étaient promis de les pendre. On peut supposer que les trois hommes prirent du service dans l’armée républicaine car une source nous indique qu’ils furent rapatriés vers l’Europe aux frais des autorités mexicaines. Quant à Emile Van Hollebeke il ne fut nullement inquiété. Ce flamand ignorait le français et il put facilement admettre qu’il avait signé la protestation de Breuer sans comprendre son contenu. Cette excuse fut admise et il put se joindre aux autres prisonniers libérables sans être inquiété.
Sept officiers, dix-huit sous-officiers et 167 caporaux et soldats furent remis aux mains du capitaine Léon Visart de Bocarmé, délégué par les autorités impériales. Douze volontaires manquaient à l’appel.

ALBERMITO Louis né à Asti (Italie) en 1829
BECKER Frederic né au Grand Duché du Luxembourg en 1840
BUTTNER Jean Louis né à Bruxelles en 1836
DOURET Jean né à Lanaye (Liège) en 1835
EINBERGER (? )
GEVAERT Jean-Baptiste né à Chièvres En 1839
GIRARDIN Emile né à Kerkhove en 1833
LENZ Théodore ( ? )
SCHEIFER Wilhelm ( ? )
SCHOONBACH Joseph ( ? )
VERBOONEN Pierre Léopold né à Uccle (Bruxelles) en 1843
VERVLOET Jean-Baptiste né à Linkebeek en 1836

Informé des protestations rédigées par Breuer, la colère de Van der Smissen avait été terrible. Cet emportement allait se manifester à l’égard des volontaires qui n’avaient pas réintégré le corps. Ainsi l’inscription au matricule des volontaires concernés mentionne: “ déserteur, passé à l’ennemi” et précise la date “avril 1865”. Si le terme “déserteur” est une évidence les autres mentions semblent très discutables et reflètent de toute évidence le tempérament impétueux du commandant du corps belge. Van der Smissen était certes doté des plus belles qualité militaires, mais était par contre affligé d’un caractère d’une susceptibilité poussée jusqu’à l’agressivité. Aucun doute qu’il soit responsable du libellé inscrit au livre d’ordres concernant les libérés absents à Acuitzeo. En ce qui concerne la date indiquée, le témoignage de Charles Loomans dans l’ouvrage déjà cité est très explicite à ce sujet et n’évoque aucune défection au lendemain du combat de Tacambaro. Le problème essentiel avec lequel étaient confrontés les prisonniers à Cirandaro était l’oisiveté, mais que très vite la plupart d’entre eux trouvèrent de l’occupation auprès des habitants.

Loomans: “ Bon nombre de prisonniers avaient été adoptés par des familles où ils rendaient différents services. Les uns enseignaient le français, d’autres le dessin, certains s’improvisèrent forgerons, tailleurs et cordonniers. Quelques-un s’en furent travailler dans les haciendas des environs. Leur occupation allait de l’arrièro (conducteur de mules) … à la bonne d’enfants. Les soldats Marcelin De Rive et Florent Delage travaillaient à l’imprimerie du journal juariste La Republica, tandis que les volontaires Edouard Otte et Louis Albermito, un des “déserteurs” confectionnaient des cartouches pour leurs ennemis! C’était de bonne guerre. A cette époque, on était loin en effet de la “convention de Genève” et puis “ventre affamé” n’a pas d’opinion.”

Il parait évident que les désertions étaient ici surtout motivés par la découverte d’un monde meilleur. Ce fut le cas de Pierre Léopold Verboonen, un des prisonniers qui ne s’était pas présenté lors de l’échange à Acuitzeo. Son descendant monsieur Stephane Verboonen, suite à un voyage au Mexique sur les traces de son ancêtre, révèle dans une étude que son parent s’est enfui, probablement lors du transfert de Cirandaro vers le lieu où devait se dérouler l’échange. Pierre Léopold Verboonen descend vers le sud, traverse la Sierra Madre del Sur et arrive à Petatlan, un petit village situé à une centaine de kilomètres de Cirandaro et une dizaine de kilomètres de l’Océan Pacifique. Il s’y installe, se marie et fonde une famille. Ses descendants directs comptent à la fin du 20ème siècle plus de 330 membres répartis au Mexique et dans d’autres pays. Pierre Léopold Verboonen décède à San Francisco ‘USA) en 1899 suite à une mauvaise chute de cheval.

Les “déserteurs” belges et la contre-guérilla française





De tous temps, la Belgique fut un vivier de recrutement pour la légion étrangère. Il n’est pas étonnant que plusieurs bureaux d’engagement avaient été établis à proximité de la frontière du royaume. En 1863, lors du si§ge de Puebla au cours de la campagne du Mexique, la protection des convois depuis Vera-Cruz avait été confiée principalement au Régiment Etranger, commandé par le colonel Pierre Jeanningros et la contre-guérilla du colonel Charles Louis Dupin. C’est au cours des opérations dans les “terres chaudes” qu’eut lieu, le 30 avril 1863, le combat de Camerone. Sur les 63 défenseurs de l’hacienda de la Trinité, figuraient déjà 15 légionnaires d’origine belge, soit près d’un quart. Les deux unités opérant de concert, il est évident que plusieurs légionnaires, dont certains d’origine belge passèrent à la contre-guérilla, du simple fait que la solde y était fort élevée, donc attractive. Il semble que les autorités militaires françaises n’émirent pas trop de réticences à ces mutations étant donné le but commun des deux unités de lutter contre les partisans républicains de Juarez. Nous verrons plus loin que cette perception ne fut pas la même au sein du corps des volontaires belges en 1866. Un relevé des effectifs de la contre-guérilla de 1865 indique la présence de 22 Belges parmi lesquels Vandebroeck, Van Egroo, William Kreuzen, Haag et Otto Heilander (1). Ces noms s’ajoutent à ceux de consonance belge mentionnés par Charles Daubige: Van Bredael, Collin, Moll, Standaart (2). Ces hommes proviennent probablement, pour la plupart du régiment étranger. Ce n’est en effet qu’en 1866, au cours des opérations entamées par les troupes impériales dans le nord du Mexique, que le corps des volontaires belges rencontre à deux reprises la contre-guérilla du colonel Dupin. A cette époque, les Belges avaient acquis une réputation de bravoure auprès de leurs alliés, ceci suite à la dure campagne qu’ils avaient menée dans le Michoacan, la résistance acharnée à Tacambaro, la retentissante victoire de la Loma. La première rencontre eut lieu à San Luis Potosi, entre le 5 et le 16 février 1866. Dupin et sa troupe, de passage dans cette localité, y rencontrèrent le capitaine Modeste Loiseau qui commandait les grenadiers. Loiseau attendait l’arrivée du bataillon des voltigeurs et surtout le commandant du corps, le colonel Alfred Van der Smissen (3). Dupin n’allait pas manquer de demander à Loiseau la permission de recruter des hommes dans le bataillon belge. Le capitaine répondit qu’il ne pouvait déférer à son désir en l’absence du colonel Van der Smissen qui devait arriver incessamment à San Luis avec les voltigeurs. Le colonel Dupin partit le lendemain avec une centaine d’hommes destinés à alimenter sa troupe (4). Le 17, le colonel Van der Smissen parvenait à San Luis. La contre-guérilla était considérée comme une unité non conventionnelle, le livre d’ordre du corps belge allait gratifier les volontaires passés à la contre-guérilla de “déserteurs”. Furent ainsi notés à cette date:
APPELS François né à Anvers en 1840 ancien militaire au 7ème de ligne
COSTERMANS Jean né à Bruxelles en 1839 ancien militaire au 3ème ligne
DEKKERS Jacques né à Anvers en 1826
DUFIEF Auguste né à Mons en 1839 ancien sergent au régiment des carabiniers
EAX Constantin né à Merzlich (Allemagne) en 1847
FUNTES Jean (?) engagé au Mexique en décembre 1865
HUBER Jean-André (?)
KERCKHOFFS Léopold né à Reet (Anvers)?
KERCKHOFFS Philippe né à Reet (Anvers) ?
KUPPER Joseph né à Cologne (Allemagne) en 1833
MARECHAL Léon né à Luxembourg ancien militaire au 3ème régiment à pied
SCHEUER Melchior né à Virton en 1844
SCHMIDT Joseph (?)
SCHOTT Jules né à Dusseldorf (Allemagne) en 1836
SCHUTSCH Guillaume (?)

Les volontaires repris ci-dessus appartenaient tous au bataillon des grenadiers, seuls présents à cette date à San Luis. Cette liste n’est certes pas exhaustive. Cependant les volontaires Schmidt et Schott apparaissent dans d’autres sources liées à la contre-guérilla. La seconde rencontre eut lieu à San Juan de Vanejas le 8 août 1866, alors que toutes les forces impériales et l’armée française évacuaient les provinces du nord. Van der Smissen et plusieurs des ses officiers furent invités par le colonel Dupin. L’accueil fut des plus empressés et des plus chaleureux. Après le diner, Dupin invita les belges à visiter sa troupe qui présentait plus de vingt nationalités différentes. Le lieutenant Emile Walton présent à cette viste témoignera que cinq volontaires déserteurs faisaient partie de la troupe des “colorados”. Van der Smissen, indéniablement de la mêmetrempe que Dupin, se montra peu pointilleux à ce sujet. Il n’empêche qu’il appliquera la même rigueur dans le livre de marche du corps, gratifiant de “déserteurs” les volontaires passés à la même date à la contre-guérilla.
Voici les noms qui peuvent être relevés:
BISSCHOP Auguste né à Lille (date inconnue)
COUTURIER Joseph né à Tirlemont en 1844
DAMPFMANN Jacques né à Königsberg (Prusse) en 1838. En septembre 1865, il avait été condamné à six mois d’emprisonnement pour désertion.
LYBAERT Hippolyte né à Gand en 1840 militaire au 4ème de ligne
MUNSTER Adolphe né à Oresloo (Allemagne) date inconnue
PARENT Gustave né à Ligny (Hainaut) en 1840
RAMONT César né à Gand en 1845
VANPEE Emile né à Nivelles en 1838
WAETERLINCKS Emmanuel né à Ixelles (Bruxelles) en 1841 militaire depuis 1861 au 1er régiment de ligne

Il convient cependant de noter que plus de 200 volontaires du corps belge passeront dans diverses unités impériales au cours de la campagne. Ces mutations étant considérées comme légales par l’autorité, on eut soin de ne pas gratifier ces volontaires de “déserteurs” comme ce fut le cas de ceux passés à la contre-guérilla.










Le capitaine Edouard Devaux

Le relevé des effectifs du corps des volontaires belges pour le Mexique renseigne un officier déserteur. Il s’agit du capitaine Edouard Devaux. Né à Arlon le 16 mars 1835, il s’engage à l’âge de quinze ans au 10ème régiment de ligne. Sous-officier, il passe lieutenant au même régiment en 1863. Il est un des premiers officiers à s’engager à Oudenaarde pour partir au Mexique. Il obtient le grade de capitaine et le commandement de la 2ème compagnie des grenadiers. Il fait partie du 1er détachement qui quitte Oudenaarde à destination du Mexique. Le lieutenant-colonel Alfred Van der Smissen, commandant du corps, fait partie du voyage. Très vite des dissensions profondes opposent les deux officiers. Devaux présente deux grands défaits: le jeu et la boisson. Ceux-ci serviront de prétexte à Van der Smissen pour obtenir son renvoi. Une manière assez insolite qui correspondait avec la manière autoritaire et volontiers brutale dont le commandant du corps concevait son rôle: “ démissionné le 22 septembre 1865”, telle est l’ultime annotation qu’on trouve
pour Devaux dans la matricule des officiers. Exaspéré, il passera dans le camp républicain. Il appert que Devaux épousera à cette époque, à Morelia, une riche veuve dont il dépensa l’avoir au jeu. Le 10 janvier 1866, il rencontre le général Vicente Riva Palacio à Turicato, où ce dernier a établi son quartier général. Riva Palacio confie à Devaux la formation d’une “légion étrangère de la liberté” avec le grade de lieutenant-colonel. Selon des sources mexicaines, Devaux parvient en moins de deux mois à réunir une troupe de deux cents hommes composée de déserteurs belges et français, dont plusieurs algériens. Les Belges issus du corps des volontaires ne devaient cependant pas être plus d’une dizaine, dont Breuer et les signataires du fameux factum déjà évoqué. Le camp de base de cette unité s’établit à l’hacienda de San Antonio de las Huertas, près de Huetamo. Nous n’avons aucune information concernant les actions auxquelles cette “légion étrangère de la liberté” a participé. Le 13 février 1867, après le rapatriement des troupes européennes, l’empereur Maximilien entrait en campagne à la tête de son armée. Quittant Mexico, le souverain allait rejoindre le général Miguel Miramon qui s’était retranché à Queretaro, devant la menace des forces républicaines du général Mariano Escobedo. Durant deux mois, l’Empereur et ses fidèles opposeront à leurs ennemis une résistance aussi acharnée qu’opiniâtre. Alors qu’on atteignait le soixante-dixième jour de siège, le découragement avait atteint son paroxysme chez les défenseurs. Le 14 mai, Maximilien allait charger le colonel Lopez d’opérer des tractations avec les républicains. Le 15, à 3 heures du matin , les juaristes pénétraient dans la ville. Levé à l’aube pour faire le tour des postes, le général Miramon entendit sonner les cloches de l’église de la Cruz. Accompagné de son aide de camp, le lieutenant-colonel Ordonez, Miramon prit aussitôt cette direction. A la place de San Francisco, il aperçut deux officiers à cheval. Ordonnez s’avança seul pour les reconnaître. L’un des cavaliers pointa son revolver en criant: ”Qui vive?”. Le lieutenant-colonel répondit: “Empire!”. Il fut aussitôt frappé d’une balle. Comme l’officier s’effondrait, Miramon dégaina et ajusta l’officier qui avait tiré. Ce dernier fit à nouveau feu de son arme. Le général reçut le projectile dans la joue droite. Aveuglé par la douleur il riposta. N’ayant pas atteint son agresseur il parvint à battre en retraite et à se diriger vers la demeure de son médecin, le docteur Vicente Licca. Celui-ci allait extraite la balle. Le médecin allait ensuite prévenir les républicains de la présence du général à son domicile. Cette escarmouche résume les actions isolées qui se dérouleront lors de la prise de Querétaro. Celle-ci cependant est particulière: l’agresseur du général Miramon et son aide de camp n’était autre que…. le colonel Edouard Devaux.
Moins d’un mois plus tard, le 19 juin 1867, l’empereur Maximilien fut fusillé avec ses généraux Miramon et Mejia au Cerro de las Campanas. Le 31 décembre 1867, Devaux fut confirmé dans son grade pour services rendus à la cause juariste. Fidèle au Président, il participe en date du 2 octobre 1871, aux côtés des généraux Sostenes Rocha et Ignacio Alatorre à la prise de la Ciudadela défendue par des opposants. Juarez décède le 18 juillet 1872. Son successeur Sebastian Lerdo auquel Devaux apportait son appui, est renversé par Porfirio Diaz. De ce fait, l’ancien capitaine du corps belge est rayé des cadres le 14 décembre 1876. Il obtint cependant le droit de reprendre du service dans l’armée mexicaine le 23 décembre 1880 lorsque la conjoncture politique fut redevenue plus stable. Le 5 septembre 1901, Devaux âgé de 66 ans, obtint sa pension. Perpétuellement confronté aux embarras pécuniaires, le démon du jeu ne l’ayant jamais quitté, il décède à Mexico le 25 mai 1907.






Conclusion

Après cette analyse plus conforme à la réalité, nous pouvons établir ce relevé plus précis des désertions dans le corps des volontaires belges au Mexique:

Fusillés pour désertion 2
Condamnés pour tentative de désertion 12
Désertés dans les premiers mois de leur arrivée 10 ( la plupart allemands )
Non présents lors de l’échange de prisonniers
à Acuitzeo le 5 décembre 1865 12
Non présents à la même date pour
cause de signature de manifeste contre l’Empire 3
Passés à la contre-guérilla février 1866 15
Passés à la contre-guérilla août 1866 9
Passés à la “légion étrangère de la liberté”
républicaine 7
Passés à l’ennemi en tant qu’officiers
(Devaux-Dreumont) 2
Désertions non spécifiées 25


Notes bibliographiques

1.HT: Eric Taladoire. Les contre-guérillas françaises dans les terres chaudes du Mexique (1862-1867) l’Harmattan 2016

2. Charles Daubige: Les vestes rouges au Tamaulipas 1876

3. Modeste Loiseau Le Mexique et la légion belge (1864-1867) Bruxelles 1870

4. Emile Walton: Souvenirs dun officier belge au Mexique (1864-1866) Ch. Tanera Editeur Paris 1868 p 172

dimanche 13 août 2017

Osterreichischer Freiwilliger Mexicanischen Corps

Laibach ( aujourd'hui Ljubljana Slovénie )
1. Major Ferdinand von Rosenzweig.
2. Général Franz Graf Thun-Hohenstein
3. Major Paul Bernard
Puebla Fuerte de Loreto
Jägers :
 leutnant
 jäger
 jäger
Puebla Fuerte de Loreto
Hussards hauptman de dos
                leutnant de face
                troupe
Tula Cathédrale
Uhlans
  hauptman
  lancier
  sergent
Château de Chapultepec Mexico
Garde Palatine
   Oberluitnant Carl Schaffer en petite tenue
   Sergent en grande tenue
   Oberst Carl Graf Bombelles en grande tenue
Matamoros Casa Mata
Artze ( médecin ) hauptman
jäger
Major Edmund Graf Wickenburg cavalerie hussards
Orizaba
Oberstluitnant Johann Polak
uhlan
Oberluitnant officier d'infanterie

Tous portent des " chivaras " à poils longs
Défence de Mexico  1867
Colonel Armin Freiherr von Hammerstein-Equard ,commandant 18ème de ligne
Colonel Alfons von Kodolitsch en grande tenue de hussards
Colonel Johann Carl Fürst Khevenhüller-Metsch en tenue d'officier des hussards rouges.